18.05.2018
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Dans le cadre d’un travail collaboratif incluant une thèse de doctorat [1], IFPEN a développé un modèle théorique simple, original et pouvant être calibré sur des données historiques globales. Il permet de décrire des tendances de long terme quant aux relations entre la production d’énergies (épuisables ou renouvelables), le progrès technologique et le progrès économique. Ce modèle permettra de mieux évaluer les conditions d’une transition énergétique harmonieuse, c’est-à-dire sans contrecoup économique, et de guider les décisions politiques concomitantes comme, par exemple, l’instauration d’une taxe carbone.
La question de l’interdépendance entre la croissance économique et la consommation d’énergie a suscité un intérêt croissant depuis les crises pétrolières des années 70. Elle s’est renforcée avec la prise en compte des enjeux environnementaux et les travaux sur les limites de la croissance. Parallèlement aux économistes qui ont développé des modélisations associant croissance économique et consommation d’énergie, plusieurs auteurs mettent en évidence le besoin de réintégrer les sciences naturelles dans l’analyse économique par une perspective dite biophysique [2, 3]. Ces auteurs expriment dans leur théorie, portant sur l'énergie et la croissance économique, que la disponibilité en énergie est probablement un facteur primordial pour expliquer les cycles économiques et que "l'énergie nette" revêt une importance toute particulière [4].
L'énergie nette peut être calculée comme l'énergie brute produite moins l'énergie investie pour obtenir cette énergie. La plupart des études utilisent néanmoins le concept dérivé de retour énergétique sur investissement – Energy Return On Investment (EROI) – défini comme l'énergie brute produite divisée par l'énergie investie pour produire cette énergie brute. Jusqu’à présent, l’ensemble des travaux effectués a permis de montrer que les énergies fossiles classiquement exploitées ne présentent plus des niveaux d’EROI aussi élevés qu’avant et que les énergies fossiles non conventionnelles et renouvelables sont incapables de présenter des niveaux d’EROI similaires.
Dans ce contexte, un travail a été engagé en collaboration avec l’université de Paris-Nanterre afin d’analyser la dynamique de l’usage des ressources énergétiques fossiles et du développement des énergies renouvelables en interaction avec la croissance économique. Il a permis de développer un modèle, s’appuyant sur la dynamique des systèmes, pour mesurer dans le temps la valeur du flux d’énergie nette délivré à la société par le secteur énergétique [5]. L’activité économique y est représentée au travers de trois secteurs : énergies non renouvelables, énergies renouvelables et production de biens pour la consommation. Les entreprises cherchent à y maximiser leur profit. Le modèle intègre un progrès technologique endogène associé à l’efficacité de la conversion de l’énergie primaire vers l’énergie utile. Les paramètres de ce modèle de simulation ont été calibrés sur la période 1750-2010 avec un pas de temps de 20 ans.
Figure 1 – Simulations historiques (1750-2010) et exercices prospectifs (2010-2050) pour (a) la production énergie primaire épuisable, (b) la production énergie primaire renouvelable, (c) l’efficacité de la conversion énergie primaire-énergie utile, (d) la production économique mondiale.
Les résultats des simulations permettent d’évaluer l’impact du progrès technologique (de faible à très fort) sur la production d’énergie épuisable et renouvelable (figure 1). On observe ainsi la dynamique de l’utilisation de l’énergie à partir de ressources épuisables, laquelle marque un pic puis décroit au profit des énergies renouvelables. Le progrès technologique permet d’accélérer cette dynamique et d’assurer une croissance économique plus forte.
D’autres simulations ont permis d’étudier l’impact d’une taxe carbone sur la transition énergétique. (figure 2).
Figure 2 – Simulations historiques et exercices prospectifs pour (a) la production énergie primaire épuisable, (b) la production énergie primaire renouvelable, (c) la production économique mondiale suivant quatre scénarios d’utilisation de la taxe carbone (1).
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Ces travaux prospectifs viennent compléter l’analyse des marchés de l’énergie et des ressources naturelles, qui s’intéressent strictement à la valeur accordée à l’énergie dans les systèmes économiques, et font l’objet d’un événement organisé par IFPEN en juin 2018. |
Contact scientifique : frederic.lantz@ifpen.fr
Publications
- Court V., Energie, EROI et croissance économique dans une perspective de long terme, thèse de doctorat en Sciences Economiques, Université de Paris-Nanterre, Ecole Doctorale ED 396, soutenue le 18 novembre 2016, 290 p.
- Cleveland, C.J., R. Costanza, C.A.S. Hall., and R. Kaufman (1984). “Energy and the United States: a biophysical perspective”. Science 225: 890–897.
https://doi.org/10.1126/science.225.4665.890
- Hall, C.A.S., Balogh, S. & Murphy, D.J.R., 2009. What is the Minimum EROI that a Sustainable Society Must Have? Energies, 2(1), pp.25–47
- Odum, H.T. (1973). “Energy, ecology and economics.” AMBIO 2(6): 220–227
1 « General R&D » scenario (100 % des recettes de la taxe carbone est affecté à la R&D du secteur d’activité générale) ; « One third each » scenario (les recettes de la taxe carbone sont réparties en trois parts égales entre la R&D du secteur des ENR, la R&D du secteur d’activité générale et les investissement du secteur des ENR), « 50/50 » scenario (la taxe carbone est répartie de manière égale entre la R&D et les investissement du secteur des ENR), « 30/70 » scenario (la taxe carbone est répartie avec 30 % pour la R&D et 70 % pour les investissements du secteur des ENR)