01.10.2017
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À l’instar de nombreux segments de l’économie, le secteur des transports et de la mobilité enregistre depuis plus d’une décennie une modification fondamentale de son organisation en raison d’une double révolution technologique (la digitalisation) et d’usage (nouvelles formes de mobilité, véhicule autonome, etc.). Ce mouvement a de profondes conséquences sur les rapports qu’entretiennent les citoyens avec la mobilité mais également sur le modèle économique des acteurs traditionnels (équipementiers, constructeurs automobiles, etc.).
Le secteur du transport et de la mobilité enregistre depuis quelques années de profondes révolutions et doit désormais s’appréhender de manière systémique en embrassant les dynamiques urbaines, technologiques et humaines : éclatement de la chaîne de valeur, concurrence exacerbée des constructeurs automobiles, réduction de la consommation des véhicules et des émissions de gaz à effet de serre (GES) ; demande sociétale en faveur de l’environnement, de la baisse de l’accidentologie, etc. et contraintes spécifiques (congestion des routes, pollution des villes, etc.). Dans ce nouveau contexte, la relation existante entre l’homme, l’automobile et son environnement proche (infrastructures routières, design urbain) est en cours de réinvention avec le concept de transport intelligent ou de système de transport intelligent (ITS). Deux grands paradigmes sont actuellement réinventés.
D’une part, la possession d’un véhicule, représentation économique et sociale de la réussite depuis la Seconde Guerre mondiale, est aujourd’hui remise en cause par une certaine catégorie de la population et la problématique est désormais centrée sur la notion d’usage. D’autre part, le conducteur tend à être progressivement chassé de son véhicule pour n’en devenir qu’un passager. Cette évolution vers le véhicule autonome trouve aujourd’hui une version intermédiaire avec le véhicule connecté, fruit de la rencontre entre l’industrie automobile et les technologies du numérique (système de connectivité1). Le véhicule électrique est aussi présent dans ces nouveaux paradigmes de la mobilité. Le Boston Consulting Group affirmait ainsi, en avril 2017, que près de 25 % des kilomètres parcourus pourraient être réalisés en 2030 dans une voiture électrique partagée et autonome2, ce qui permettrait notamment une économie pouvant aller jusqu’à 60 % des coûts d’un trajet classique.
Dans cet écosystème en construction (fig.1), composé de nouveaux acteurs et de technologies innovantes, le modèle économique des acteurs traditionnels du secteur des transports et de la mobilité est remis en cause.
Système de transport intelligent, mobilité 2.0, mobilité 3.0
L’association Atec ITS France qui rassemble les acteurs des transports terrestres (voir encadré ITS) donne la définition suivante des ITS : “les ITS sont nés du mariage des technologies de l’information et de la communication avec les véhicules et réseaux qui assurent la mobilité des personnes et des biens3”.
Les ITS permettent ainsi de gérer les externalités liées à la mobilité (bruit, pollution, congestion), d’améliorer le confort et la sécurité des biens et des personnes et d’optimiser la gestion des infrastructures et des politiques publiques liées à l’ensemble du système de transport (fig. 1). La littérature abonde de nouveaux concepts pour qualifier les révolutions actuelles. Ainsi, la notion de mobilité 2.0, utilisée en référence au web 2.0, considère que l’automobile n’est plus un simple objet de transport mais plutôt un outil de mobilité en interaction avec son environnement proche et un système de communication et d’échange d’informations4. Dans les années récentes, la notion de mobilité 3.0 est apparue. Encore imprécise, elle peut se définir comme une mobilité 2.0 augmentée. En effet, fruit de la convergence du digital et des problématiques de la mobilité, elle permet d’ouvrir l’univers des possibles pour l’ensemble des citoyens dans ses choix modaux. Elle propose un ensemble de solutions de mobilité en temps réel et optimise le système individuel et global. Enfin, la mobilité 3.0 permet, notamment à travers le véhicule autonome, une révolution pour l’individu avec un gain de temps pour des activités de loisir ou de travail. L’ensemble “décloisonner, optimiser, libérer” permet de caractériser la mobilité 3.0 et l’ensemble des révolutions qui s’y réfèrent.
Quel développement des systèmes intelligents de transports (ITS) dans l’histoire ?
Les ITS sont apparus à la fin des années 60 et au début des années 70 avec notamment le système CACS (Comprehensive Automobile Traffic Control System) au Japon ou l’ERGS (Electronic Route Guidance System) en Allemagne et aux États-Unis.
Historiquement, les ITS sont nés de la reconnaissance par les pouvoirs publics des limites des systèmes de transports, avec l’accroissement des phénomènes de congestion et d’accidents de la route. Ainsi, du déploiement des premiers feux tricolores aux États-Unis (1914) ou en Europe (en France en 1923), à l’installation des premiers parcmètres (1935), la logique des premières mesures prises pour gérer les transports se résume à une superposition d’innovations centrées sur les infrastructures routières. Cette logique d’innovations va se déplacer progressivement vers le véhicule avec notamment un accent mis sur la sécurité, priorité des pouvoirs publics avec l’accroissement du parc automobile5 et la mise en place de nouvelles normes (généralisation des ceintures de sécurité, tableaux de bords rembourrés, standardisation des pare-chocs, etc.).
Fin 1960-début des années 70 sont lancés les premiers programmes de guidage autoroutier, avec notamment la mise en place des premiers capteurs de vitesse, de débit autoroutier et d’occupation des surfaces routières. Seront ainsi généralisés les premiers signaux électroniques de trafic (Dynamic Message Signs) et les premiers algorithmes de localisation avec leur représentation sur des cartes digitalisées. L’ensemble de ces innovations sera capitalisé par la création des premiers centres de gestion du trafic (TMS Traffic Management Centers) qui intègrent les données liées à la météorologie, à la vitesse des véhicules, à la congestion et à l’accidentologie. Les données collectées sont distribuées aux voyageurs et aux médias (radios notamment). Le centre de gestion du trafic fonctionne déjà à l’époque comme un hub pour les questions routières. L’introduction et la généralisation du GPS (Global Positioning System) à la fin des années 70, avec le partage des activités satellites entre les usages civils et militaires vont permettre d’améliorer les missions des TMS.
Les années 80 vont révolutionner le secteur des transports avec le déploiement des systèmes intelligents de véhicule sur route (IVHS-Intelligent Vehicle Highway System). Les innovations ne portent désormais plus uniquement sur le véhicule mais sur la possibilité de connecter le véhicule à son infrastructure. Avec l’accroissement de la mobilité, les opportunités économiques du secteur se multiplient et bénéficient de financements via des programmes de recherche publics et privés. Ainsi, sont lancés des programmes de recherche spécifiques sur les systèmes de contrôle automatique du trafic, mais également les premiers programmes de prototypes de véhicule autonome avec le programme de la DARPA6 aux États-Unis (ALV-Autonomous Land Vehicle). En 1985, le premier prototype permettait de rouler à environ 3 km/h sur une route en ligne droite d’environ 1 km. L’ALV avait été devancé par le laboratoire de robotique Tsukuba au Japon qui, dès 1977, avait lancé une voiture automatique roulant à près de 30 km/h. En Europe, le programme Prometheus (PROgraMme for a European Traffic of Highest Efficiency and Unprecedented Safety) permet de financer les logiciels d’aide à la conduite pour les véhicules autonomes. L’Allemagne, à travers ses universités (logiciel de reconnaissance automatique) et ses constructeurs (Daimler-Benz notamment) apparaît également en pointe sur ces questions.
Au cours des années 90, la notion de système intelligent de transport (ITS) est apparue. Le passage de l’IVHS à celui d’ITS reflète le déplacement du centre de gravité du véhicule vers celui de système et la mise en avant de la nature multimodale de l’activité transport. Les ITS reflètent la notion de boucle systémique d’interaction autour des quatre composantes : le véhicule, les infrastructures, le système de management et le conducteur. Les innovations technologiques vont ainsi porter sur l’amélioration et la standardisation des systèmes de management de transport, sur les systèmes de navigation intégrés pour le conducteur (GPS, gestion du trafic, tableau de bord) et sur les systèmes de péage électronique.
Depuis les années 2000, les ITS se sont généralisés et ont été portés par le processus de digitalisation observé dans les différents segments de l’économie. Les principales transformations ont permis d’améliorer les systèmes d’assistance à la conduite mais les priorités des acteurs sont diversifiées. Si la sécurité et les problèmes de congestion restent toujours des vecteurs de développement technologique pour les ITS, les enjeux économiques (réduction de la consommation des véhicules) et environnementaux (baisse des émissions de GES) participent également à la convergence entre le numérique et la gestion du trafic routier. À ce titre, le lancement de l’iPhone en 2007 et plus globalement la généralisation des smartphones vont accélérer la dynamique des ITS.
L’application Geco air développée à IFPENGeco air est une application smartphone gratuite, développée par IFPEN avec le soutien de l’Ademe, pour sensibiliser l’ensemble des citoyens aux émissions polluantes liées à leur mobilité. L’objectif est d’aider chaque utilisateur à améliorer au quotidien l’impact environnemental de ses déplacements. Grâce au GPS du smartphone, Geco air analyse les émissions liées aux trajets qui sont effectués et ce, quel que soit le moyen de transport utilisé (voiture, vélo, marche à pied, transports en commun). Geco air couple de façon innovante les technologies de l’information avec l’expertise d’IFPEN dans la modélisation des véhicules, pour un résultat très fiable. Avec toutes ces informations, Geco air indique ainsi chaque jour et pour chacun des trajets un score mobilité, baromètre de la mobilité propre ! L’application délivre aussi des conseils personnalisés : elle aide à modifier la façon de conduire pour réduire l’empreinte des déplacements et elle recommande également de privilégier les modes de déplacements doux, comme le vélo, pour certains trajets courts et fortement polluants. En suivant les conseils de Geco air, les émissions polluantes peuvent être réduites de 50 % ! |
Ces changements structurels sont portés par la convergence entre les acteurs du numérique et les acteurs de la mobilité. De grands acteurs des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ont lancé des programmes de recherche sur la mobilité. Google a ainsi lancé un programme de R&D dès 2005 sur la voiture autonome, qui a conduit à la fabrication d’un prototype dès 2010.
Catégorisation des applications relatives aux ITSInformation pour les voyageurs : informations de préparation au voyage, informations durant le voyage pour le conducteur, information durant le voyage dans les transports publics, informations routières, localisations, etc. Gestion du trafic : contrôle du trafic, gestion des accidents, gestion des flux, gestion de maintenance des infrastructures, planification des infrastructures, etc. Véhicule : amélioration de la couverture visuelle, fonctionnement automatisé du véhicule, évitement des collisions (latérales et longitudinales), sécurité, maintenance du véhicule, etc. Véhicule commercial : pré-dédouanement des véhicules utilitaires, procédures administratives des véhicules utilitaires, inspection automatique de la sécurité routière, surveillance de la sécurité à bord des véhicules utilitaires, gestion du parc automobile, systèmes de diagnostic automatisés, etc. Transport public : gestion des transports publics, gestion des transports à la demande, gestion du transport partagé, gestion des horaires, localisation, etc. Gestion des urgences : avis d’urgence et sécurité personnelle des voyageurs, gestion des véhicules d’urgence, gestion du transport des matériaux dangereux et notification d’incidents, etc. Paiement électronique : opérations financières électroniques (péages). Sécurité : sécurité publique des voyages, amélioration de la sécurité pour les usagers, jonctions intelligentes, etc. |
Toutefois les activités de la Google Car sont désormais réunies sous l’activité de Waymo et Google ne souhaite pas devenir un constructeur automobile mais souhaite plutôt se spécialiser sur les aspects logiciels de conduite autonome et sur les services d’autopartage du véhicule autonome. Apple a de son côté lancé le projet Titan qui réunirait les ambitions du géant de l’informatique sur les segments du véhicule électrique et autonome. Amazon a inauguré en mai 2017, en France, un centre de développement de logiciels de gestion de trafic de drones pour ses livraisons.
Les acteurs en France
En octobre 2015, à Bordeaux, le 22e Congrès mondial sur les ITS7 a battu tous les records d’affluence (plus de 10 000 participants), démontrant l’engouement croissant autour de cette thématique8. À l’occasion de ce congrès et à l’approche de la COP21, les parties françaises avaient largement contribué, auprès des professionnels, des médias et de leurs partenaires internationaux, à mobiliser et à inscrire les ITS dans une dynamique mondiale de lutte pour l’environnement et le climat (signature d’un manifeste par Ségolène Royal, en compagnie de 28 ministres ou représentants d’autres pays9). Mais alors que la France accueillait il y a deux ans le plus grand congrès sur les ITS, qu’en est-il réellement des actions en cours dans le pays, et peut-on considérer la France comme un acteur majeur des ITS dans le monde ?
Les enjeux
La mobilité intelligente est particulièrement porteuse d’emplois, d’innovations et de création de nouvelles entreprises, en particulier de start-up. D’après le livre vert rédigé par le réseau Atec ITS France10, ce secteur représente déjà dans le pays un marché annuel de 4,5 G€ de chiffre d’affaires, comptant plus de 1 000 entreprises et 45 000 emplois directs dans le secteur privé. Même si ces chiffres peuvent paraître légèrement optimistes, le secteur représente également des centaines de milliers d’emplois indirects dans les secteurs traditionnels de la construction et de l’exploitation d’infrastructures de transport, de la construction automobile, de la logistique, qui utilisent et déploient de plus en plus des solutions de mobilité intelligente.
Devant les nouveaux enjeux liés à l’émergence des ITS, il convient de mettre en parallèle les atouts indéniables des acteurs français. La France possède ainsi de nombreux ingénieurs de talent, des acquis technologiques et des offres industrielles, ainsi que des instituts de recherche et de formation publique reconnus. Face à ce constat, il est possible de renforcer l’offre française de mobilité intelligente. Ce renforcement apparaît nécessaire et stratégique pour maintenir une innovation adéquate et pour éviter la délocalisation hors de France des produits et des services de la mobilité intelligente.
Le cas particulier des infrastructures intelligentes
Malgré une forte avancée technologique, le succès des véhicules connectés et autonomes est étroitement lié à l’amélioration des infrastructures et de l’environnement urbain, qui lui aussi, doit être entièrement connecté, mais également à l’évolution de la réglementation. Dans cette optique, de nombreuses firmes, dont des équipementiers automobiles, se sont lancées dans la conception de nouvelles technologies, faisant partie intégrante des ITS et des projets de villes intelligentes à travers le monde. Le marché reste dominé par l’Amérique du Nord et est estimé à environ 39 G$ en 202011. Parmi ces innovations, on trouve des caméras, des capteurs, des logiciels et des outils de localisation, installés aussi bien sur les routes que sur les véhicules, afin de surveiller, contrôler et gérer le trafic routier en temps réel tout en échangeant des informations avec les véhicules environnants. Parmi les acteurs opérant dans ce secteur, le leader mondial des systèmes d’imageries thermiques Flir, les équipementiers français Valeo et Faurecia font face à la concurrence internationale (Magna International, Continental AG, Robert Bosch GmbH).
La stratégie de la France
La France peut s’appuyer sur une dynamique européenne soutenue, visant à promouvoir la recherche sur les ITS et à mieux définir les enjeux de l’interopérabilité (programme H2020 avec un volet spécifique dédié aux ITS dans le challenge Smart, Green and Integrated Transport). En outre, le gouvernement propose une politique locale volontaire avec un soutien de l’innovation. On peut citer par exemple la phase 2 de la Nouvelle France industrielle (NFI) qui subventionne à hauteur de 1,9 G€ des projets industriels innovants, parmi lesquels de nombreux traitant des ITS.
En plus des subventions publiques visant essentiellement le développement des ITS à l’échelle locale, les acteurs français de l’ITS peuvent s’appuyer sur un réseau dédié, via l’association Atec ITS France, qui a pour objectif de les regrouper et de les coordonner.
Enfin, le nouveau gouvernement français a lancé les Assises de la mobilité le 19 septembre 2017. Ces assises sont l’un des principaux chantiers de la ministre des Transports, Élisabeth Borne, et du ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot. Tous les acteurs privés et publics seront autour de la table, autour de laquelle sera notamment évoqué le devenir des ITS en France.
Les ITS dans les territoires en France
On note depuis quelques années une augmentation importante des initiatives locales (agglomérations, bassins de mobilité, régions) prônant le changement des habitudes de mobilité et les ITS. De grands projets sont en train de voir le jour, alliant des acteurs publics et privés, et favorisant la création de start-up. Les grandes métropoles peuvent ainsi être vues comme des laboratoires à taille réelle. On peut citer des exemples de projet ou de réalisation :
Optimod’Lyon12 : projet de trois ans visant à optimiser la mobilité durable en centre-ville de Lyon. Grâce à ce projet, plus de 70 capteurs sans fil ont, par exemple, été installés sous le bitume à des endroits stratégiques. Cela apporte une connaissance plus fine des trafics pour informer les usagers et réguler le trafic en temps réel. Le projet comprend aussi trois autres volets, comme l’optimisation de la disponibilité des places de stationnement ou la création d’un GPS urbain multimodal sur smartphone.
La Communauté d’agglomération Grenoble Alpes métropole s’est dotée d’un centre de gestion multimodale centralisée des déplacements. Ce projet vise une diminution de la part de la voiture au profit de moyens de transports alternatifs.
Projet SCOOP@Breizh13 : il s’agit du prédéploiement en Bretagne d’un dispositif innovant qui entre dans le champ de la voiture communicante. Près de 3 000 véhicules ont été équipés en 2016 de ce système qui permettra d’informer en temps réel les usagers de la route, d’améliorer la sécurité routière et de faciliter les déplacements. ITS Bretagne est gestionnaire du projet pour les collectivités bretonnes.
Le réseau Atec ITS France
Le réseau Atec ITS France regroupe les acteurs clés de la mobilité intelligente. Il a été créé en 1973. Aujourd’hui, il compte plus de 130 structures membres, aux profils complémentaires, avec des collectivités territoriales, des services de l’État, des établissements d’enseignement et de recherche, les principales entreprises et sociétés d’ingénierie du secteur de la mobilité.
Atec ITS France conduit l’ambitieux programme national Mobilité 3.0, qui vise à structurer les acteurs de l’écosystème, afin d’asseoir le rôle de leader de la France dans le domaine des ITS et de favoriser le développement de solutions innovantes, en France et à l’international. Enfin, Atec ITS France représente également l’ensemble des acteurs concernés dans les instances internationales consacrées au développement des solutions ITS. En novembre 2016, une lettre de mandat cosignée du DGITM et du DGE a confié à Atec ITS France l’animation des réflexions visant à produire une feuille de route nationale.
Au niveau national, les actions publiques de développement des ITS se concentrent autour de quatre régions très actives (fig. 3). Les acteurs se partagent entre académiques, instituts de recherche, pôles de compétitivité, centres de certification, etc.
Les freins au déploiement14
Les services de transport intelligent, même s’ils répondent à une demande croissante des usagers et des gestionnaires, sont confrontés à divers freins à leur développement :
- la multiplication des acteurs impliqués rend de plus en plus complexe donc difficile la production de services ITS ; les enjeux de gouvernance sont particulièrement importants, notamment pour favoriser la multimodalité ;
- l’intégration d’innovations (issues généralement des services informatiques et des télécommunications) exige des expérimentations de terrain dans les transports, que les acteurs du marché ne peuvent pas toujours conduire sans l’appui des pouvoirs publics, notamment des gestionnaires d’infrastructures ;
- l’accès aux données constitue un élément clé du développement des ITS ; il est au cœur des spécifications de la directive 2010-14015 ; mais la question de la tarification de l’accès aux données nécessitera probablement un cadre de référence complémentaire ;
- le foisonnement des services, des systèmes et équipements associés rend difficile la priorisation par les décideurs publics confrontés à des contraintes budgétaires croissantes.
Au fur et à mesure que les pratiques de multimodalité se diversifient (vélo et automobile en libre partage, covoiturage, véhicules électriques, etc.), on se retrouve également face à un paradoxe. Les usagers sont en effet de plus en plus exigeants sur la fluidité des interfaces intermodales, de l’information et du paiement, alors que les acteurs impliqués (maîtres d’ouvrage, autorités organisatrices, gestionnaires et fournisseurs de services) sont de plus en plus variés.
Les Autorités organisatrices de transport sont souvent au centre de ce jeu d’acteurs, notamment au niveau régional et départemental, et ont développé diverses initiatives, notamment autour du concept de centrales de mobilité regroupant les différents acteurs des transports, et traitant à la fois de l’organisation des services, de l’information et du paiement.
Cependant, ces services ne couvrent pas l’ensemble du territoire et peuvent, du point de vue de l’usager, apparaître comme insuffisamment harmonisés ou insuffisamment multimodaux. Le manque d’évaluation constitue également un frein aux déploiements futurs. Tous ces éléments laissent à penser que les ITS en France sont arrivés à une période charnière de leur développement. En effet, le contexte actuel caractérisé par une multiplication des acteurs et des options nécessiterait la mise en place d’une forme de gouvernance spécifique permettant de rationaliser l’offre des différents acteurs pour répondre au mieux à la demande des consommateurs. Mieux organisés, les ITS pourraient ainsi constituer un véritable relais de croissance pour l’ensemble des acteurs dans ces nouvelles révolutions de la mobilité urbaine.
Conclusion
Les ITS sont aujourd’hui à la croisée des chemins car les défis sont nombreux et dépassent largement le cadre des innovations technologiques ou la relation conducteur-véhicule-infrastructure. La capacité à optimiser les données de masse liées aux déplacements des populations tout en minimisant les risques d’accidents et l’empreinte carbone imposent des améliorations dans la gestion des big data. En outre, la principale contrainte sera sûrement systémique. En effet, dans les années à venir, les ITS auront à gérer un système complexe mêlant véhicule traditionnel, véhicule connecté et véhicule autonome. Il devra en outre être optimisé sous contraintes économiques (coûts du système), sécuritaires (réduction de l’accidentologie), énergétiques (réduction de la consommation), environnementales (réduction de son empreinte carbone) et pratiques (paiement, accessibilité, etc.).
En attendant, les ITS sont porteurs d’un nouveau modèle économique pour des services liés à la mobilité. En matière technologique les opportunités sont nombreuses et le champ des innovations est vaste : dématérialisation, capteurs, infrastructures, services, etc. L’autre moteur des ITS est la connexion à la multitude (via plateformes Internet, réseaux sociaux, applications mobiles). Il s’agit de services à faible intensité capitalistique générant rapidement des modifications ou optimisations des comportements de mobilité.
Emmanuel Hache
Cyprien Ternel – cyprien.ternel@ifpen.fr
Lyes Aissaoui – lyes.aissaoui@ifpen.fr
Manuscrit remis en octobre 2017
(1) Un véhicule est connecté lorsqu’il intègre des systèmes de connectivité sans fil lui permettant de collecter des informations qu’il pourra ensuite exploiter. G. Corde, IFPEN
(2) HTTPS://WWW.BCG.COM/D/PRESS/10APRIL2017-FUTURE-AUTONOMOUS-ELECTRIC-VEHICLES-151076
(3) HTTP://WWW.ATEC-ITSFRANCE.NET/HOME.CFM
(4) Cette définition est tirée de l’ouvrage “The Automotive Revolution, Towards a New Electro-Mobility Paradigm”, Danielle Attias (Ed.), Springer, p.10
(5) Aux États-Unis par exemple, le parc automobile comprend plus de 75 millions de véhicules dans les années 1960, contre moins de 33 millions en 1946
(6) Agence du département à la Défense aux États-Unis, la Defense Advanced Research Projects Agency est en charge de la R&D pour les technologies à usage militaire
(7) HTTPS://ITSWORLDCONGRESS.COM/
(8) Les chiffres datent de 2015 mais les tendances observées depuis lors tendent à montrer que le mouvement s’est poursuivi
(9) Compte rendu du 22e Congrès mondial des ITS, Mission des transports intelligents, novembre 2015
(10) Mobilité 3.0 : Ensemble pour une mobilité plus intelligente, Livre vert, Atec ITS France, septembre 2015
(11) Mobilizing Intelligent Transport Systems (ITS), GSM Association, 2015
(12) HTTP://WWW.INFRA-TRANSPORTS-MATERIAUX.CEREMA.FR/IMG/PDF/COLDEFY_J.PDF
(13) HTTP://WWW.ITSBRETAGNE.NET/INDEX.PHP/PROJETS/PROJET-SCOOP
(14) HTTP://WWW.WIKITERRITORIAL.CNFPT.FR/XWIKI/WIKI/ECONNAISSANCES/VIEW/QUESTIONS-CLES/LESSYSTEMESDETRANSPORTINTELLIGENTS
(15) HTTP://TRANSPORT-INTELLIGENT.NET/IMG/PDF/PRESENTATION_DE_LA_DIRECTIVE_JO.PDF